Le peintre René Blanc à Valmondois

Exposition du 25 septembre au 9 octobre 2005

Un peu d’histoire
Ce peintre naît à Vincennes en 1906. Orphelin de bonne heure, il entreprend des voyages au long cours en même temps qu’il s’initie à la peinture. Au cours de ses escales, il séjourne à Valmondois où il a vécu pour des raisons médicales et où réside le peintre Charles Geoffroy-Dechaume. Attiré par le dessin, il entre aux Arts décoratifs où il ne s’attarde toutefois pas, las des compositions académiques et préférant chercher tout seul sa voie.
René Blanc est un solitaire comme l’attestent sa formation d’autodidacte et la distance qu’il prend avec les milieux artistiques. C’est aussi un artiste fécond qui dessine, peint, sculpte et vit de la vente de ses œuvres. En 1931, il expose au Salon d’automne, puis à Strasbourg, où ses dons s’affirment, ce qui lui procure des commandes.
Ce début prometteur est interrompu par la Seconde guerre mondiale. Mobilisé et fait prisonnier, il s’évade. Il entreprend alors une œuvre considérable dans laquelle les paysages tiennent une place prépondérante. La Vallée du Sausseron l’inspire. On le trouve présent dans beaucoup d’expositions. Son talent est reconnu par l’Etat, qui lui passe de nombreuses commandes.
Il s’installe à Valmondois qu’il quitte toutefois pour Auvers en 1961. C’est là qu’il décède en 1987. Il est néanmoins inhumé dans le cimetière de Valmondois.

Impressions d’un Béotien 
L’exposition réunit une soixantaine d’œuvres diverses. C’est le résumé trop court d’une production abondante, mais cela permet de se former une image assez complète des talents de René Blanc.
On peut voir des dessins visiblement tracés au crayon feutre noir sur fond blanc, par exemple Pontoise avant la reconstruction. L’extrême sobriété de ces dessins et la couleur utilisée suscitent une impression de tristesse, une sorte de désespérance. Mais est-ce voulu par l’artiste ? Cette impression est ressentie plus fortement encore devant un très petit tableau : un vieil homme assis dans un fauteuil, épuisé. « Arrivéau bout du rouleau », pitoyable avec ses charentaises. Le titre donné à ce dessin confirme l’impression : Au seuil de l’éternité.
De la même tonalité morale, une toile peinte : Valmondois, où l’on reconnaît effectivement le clocher émergeant des toits de la ferme voisine ; à proximité, l’une des tours du home d’enfants. Il s’agit donc bien du village, mais la place accordée au premier plan à un arbre desséché, encore debout, qui étend ses branches, telles des bras, sur toute la largeur du tableau, montre que l’intention de René Blanc n’était pas de représenter Valmondois, mais bel et bien l’arbre mort.

Œuvres de facture plus traditionnelle : un Autoportrait réussi, un Portrait de Gruber et La sirène posant pour Gruber. Le caractère commun de ces trois tableaux est leur couleur sombre qu’il faut bien qualifier de triste, elle aussi. Elle porte à réfléchir et à s’interroger sur les états d’âme de René Blanc au moment où il peint.
Mais à côté de ces œuvres mornes, l’exposition présente de nombreux petits tableaux exécutés sur une sorte de papier filtre que René Blanc imbibait d’eau avant d’y tracer ses dessins avec des crayons de couleur. Cette technique donne aux œuvres une éclatante luminosité qui contraste avec les grandes toiles de la première période.
Beaucoup de petites toiles représentent des marines : paysages du bord de la mer, ports, plages, pêcheurs, baigneurs et des personnages souvent seulement esquissés. Cette figuration sommaire leur confère la vie, alors qu’une représentation précise les aurait figés. C’est le flou qui leur donne le mouvement. La solitude a inspiré à René Blanc un tableau de petites dimensions où l’on ne voit que des bancs de sable découverts par la mer en se retirant. Il n’y a rien, que du sable où coulent quelques filets d’eau. Impression de solitude grandiose.
Et puis voici cet instant fugitif, cet instant touché par la grâce où se produit quelque chose que l’on ne reverra plus, cet instant béni des dieux et saisi, par exemple, par Léonard de Vinci pour transmettre à la postérité le sourire énigmatique de Monna Lisa. Pour René Blanc, cet instant c’est le sommeil d’un enfant, le sien, fixé sur la toile par un père qui est aussi un peintre de talent : Marion endormie avec ce demi-sourire de l’innocence et de la paix de l’âme qui n’appartiennent qu’à l’enfance.
Une place assez grande – et comment s’en étonner – a été donnée par le peintre au village de Valmondois. On peut admirer la Vallée du Sausseron, Le bord de l’Oise, remarquables par leur intense lumière. On voit aussi une grande toile qui pourrait constituer la conclusion de l’exposition : ce sont les toits du quartier de l’église, dominés par le clocher, vus depuis la rue de la Croix-Boissière dans sa partie située en contrebas du cimetière.
S’il est possible de formuler un jugement sur les talents de René Blanc à partir de quelques tableaux et d’impressions fugitives, on peut dire que c’est l’œuvre d’un solitaire, d’une sorte d’outsider resté volontairement à l’écart des modes et des mouvements du moment, pour suivre sa propre voie.
 

Marcel Mercier