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Le village
Critique du XXXème Salon de Peinture par Marcel Mercier
Exposition dans la salle du Foyer H. Daumier le 7 mars 2006
Cette année, Valmondois organisait son XXXe salon de peinture. Le village où Daumier a passé la fin de sa vie est particulièrement qualifié pour honorer la peinture.
Cette année aussi, le Salon soutenait un projet généreux : à travers la peinture, associer Valmondois dans une sorte de jumelage avec l’art africain et collecter ainsi des fonds pour aider les populations africaines à lutter contre la misère.
Dans cette perspective, un jeune peintre originaire de Zambie avait d’ores et déjà envoyé un tableau qui figure parmi les premières œuvres exposées et attire d’emblée le regard : au premier plan, plusieurs femmes noires devisent, vêtues de ces étoffes éclatantes de couleurs dont les tisserands africains ont le secret. L’une d’elles attend un bébé. Au loin, de nombreux enfants, espoirs d’avenir. Posées sur le sol, de belles poteries. L’ensemble baigne dans l’intense lumière africaine. Un tableau réussi et symbolique.
Quant aux exposants d’ici, ils nous présentent des œuvres puisant leur inspiration dans les domaines les plus divers. Dès l’entrée, on rencontre une tête d’homme qui surgit d’une mer furieuse où évoluent d’envoûtantes sirènes : Tabarly ou le destin ; un destin c’est-à-dire vivre et mourir pour sa passion.
A côté de natures mortes : fleurs, vases, bouteilles, je remarque une lampe à pétrole qui me remet en mémoire l’éclairage au temps de mon enfance, avec son ventre renflé et son étroit verre cylindrique. J’y ajoute mentalement la flamme vacillante qui faisait danser les ombres et qui finissait par filer. D’un tout autre genre, un hommage rendu à Gauguin sous la forme d’un tableau qui réunit des couleurs sombres, violentes, heurtées, à la manière de la période tahitienne du grand peintre.
Plus loin, un immense champ de colza veillé par le village et le clocher qui révèlent la présence des hommes. Car l’auteur de cette étendue jaune d’or, c’est l’homme, contremaître de la Nature, qui la façonne au gré des saisons. Des vers me reviennent à la mémoire : « Midi, roi des étés, épandu sur la plaine, Tombe en nappes d’argent des hauteurs du ciel bleu. Tout se tait, l’air flamboie et brûle sans haleine, La terre est assoupie en sa robe de feu » (Leconte de Lisle)
Suivent d’autres tableaux où le soleil règne encore en maître, projetant verticalement les ombres. L’astre est au zénith. Les couleurs nous agressent par leur intensité. Au milieu, une trouée aveuglante : une clairière. C’est la plénitude de l’été.
Au détour d’un panneau, le regard éberlué rencontre L’origine du monde. Quoi ! Courbet ici ? Non ! Le dessin est enveloppé d’ombre, l’anatomie est moins précise. Deux jeunes filles passent, se regardent interloquées, gênées dans leur intimité, se demandant si elles ont bien vu « Allons mesdemoiselles ! On est au pays de Rabelais ! Et puis l’auteur est une femme, me semble-t-il ? ».
Parmi les tableaux suivants il y a des vues de l’église de Valmondois. Hasard après le ventre d’Eve ? Recherche d’un contraste, d’une antithèse ? Le trait est sobre. Je m’attarde. Je l’ai fréquentée autrefois cette église. Je me revois au petit matin dans la sacristie froide, enfant de chœur servant la première messe ; je sens l’odeur des cierges éteints, le parfum enivrant de l’encens refroidi. Merci au dessinateur qui a réveillé l’enfant et ressuscité en moi des souvenirs enfouis dans ma mémoire !
Voilà maintenant l’univers onirique de Jean Cocteau : la Belle et la Bête, une fée Nature vêtue d’une mousseline qui laisse voir un corps juvénile, innocent, doté d’ailes de papillon, symboles de légèreté. Message d’amour réunit deux jeunes gens tendrement enlacés. Elle, elle ferme les yeux, s’abandonne et va succomber aux audacieuses entreprises de Cupidon.
Galopant à travers la Baie du Mont Saint Michel, attention aux cavaliers de l’Apocalypse fonçant sur les visiteurs ! Les cavaliers de l’Apocalypse ? Non : ils étaient quatre ! Dommage ! Mais leur arrivée menaçante annonce peut-être une catastrophe imminente.
Certes pas l’anéantissement de Babylone ! Non, mais l’attaque inouïe, insensée, suicidaire menée par des kamikazes contre le Grand Satan : New-York, New-York cible d’attentats d’un type nouveau : deux crashes sur les Tours jumelles (Twin Towers). Et justement, le tableau suivant c’est New-York la nuit avec ses mille lumières, proie de terroristes qui ouvrent une ère dans l’art de massacrer des innocents.
A cette évocation de la barbarie des temps modernes succède une série de petits tableaux remarquables par la minutie des détails et le talent apporté à leur exécution qui en font de véritables miniatures. On remarque le château de Valmondois sous un angle inhabituel : depuis la cour.
Tiens ! Des Bretonnes portant leur coiffe traditionnelle, sans doute quelques-unes de ces veuves perpétuellement vêtues de noir dont l’océan a pris le père, le mari, un frère ou un fils. Des vagues déchaînées se jettent à l’assaut de la côte. C’est pour ces femmes-là que Victor Hugo a écrit son Océano nox : « O combien de marins, combien de capitaines Qui sont partis joyeux pour des courses lointaines Dans ce morne horizon se sont évanouis ».
Et puis l’œil est attiré par des tableaux d’une facture singulière, originale représentant des vols d’oiseaux stylisés, des oiseaux nombreux dont les ailes s’entremêlent et qui ressemblent à leurs ancêtres préhistoriques : les ptérodactyles. L’artiste a réussi à donner une impression de mouvement à ses volatiles. On ressent une sorte de frayeur comme dans le célèbre film de Hitchcock : Les oiseaux.
Et voici de nouveau l’Afrique avec un jeune pêcheur noir doué pour la pêche aux gros poissons, qui tient un thon et l’exhibe comme un trophée. L’enfant est si vivant qu’on le dirait photographié. Symbole ? L’artiste a-t-il voulu suggérer que l’Afrique sera sauvée par ses enfants ?
Heureux hasard ou volonté des organisateurs, on remarque dans l’exposition une alternance dans la succession des œuvres présentées : à la violence succède souvent la sérénité ; après le choc des couleurs vient la douceur des nuances ; une lumière atténuée remplace la crudité du soleil de midi.
Et justement voilà maintenant quelques vues réussies de la plaine du Vexin caractérisées par un trait léger et des couleurs amies du regard. On sent la paix des champs, on reconnaît le royaume de Cérès la nourricière, déesse des blés qui délaissait l’Olympe pour la Terre.
L’alternance est rompue par l’exposant suivant qui a choisi aussi ses sujets dans la nature : campagne, étang, chemin poudreux, coquelicots Les lointains sont presque cotonneux et comme enveloppés dans une brume légère, ce qui rappelle certaines toiles de Corot.
Et puis voici des paysages de Provence : lumière crue, rues et mas inondés de soleil. Pas une âme dehors ! La chaleur accablante de midi a chassé toute vie. Les habitants se sont réfugiés à l’ombre. Même les chiens et les chats ont déserté et fui ces lieux devenus inhospitaliers.
Cette année, le salon a un invité d’honneur qui, comme tel, bénéficie d’une place d’honneur sur la scène, au fond de la salle, de sorte que ses œuvres sont visibles de loin. Sont-ce des gymnastes ces couples présentés dans des positions acrobatiques ? Un petit texte écrit sur le tableau lui-même oblige à la réflexion et introduit quelquefois le doute : « Encore, encore ! » crie une foule virtuelle de spectateurs enthousiastes à moins que ce ne soit l’un des partenaires qui exprime sa satisfaction Une des œuvres est nettement allusive. Pour elle, le peintre a changé de technique : les personnages ne sont plus dessinés et peints mais suggérés par leur seul contour. Ils sont ainsi devenus transparents et projettent néanmoins une ombre. L’interprétation est laissée à la fantaisie des visiteurs car les positions respectives de l’homme et de la femme sont ambiguës. Gymnastique ou .Kama-sutra ?
Plusieurs œuvres sont exposées hors de la grande salle : parmi elles une aquarelle représente un tigre seul, triste, égaré loin de sa jungle natale.
En résumé, belle impression d’ensemble, rien de médiocre !
Je quitte l’exposition, étonné par sa qualité et par la diversité des talents.