Argus à Valmondois

Exposition à la Villa Daumier, les 19 et 20 septembre1998

À côté d’ateliers ou de résidences de créateurs qu’on ne présente plus et dont l’éloge n’est plus à faire – au point qu’y prétendre paraîtrait déplacé – la commune de Valmondois a organisé la visite de sa « Villa Médicis », où elle loge un jeune peintre choisi après concours, Vincent Chhim, qui y expose quelques-unes de ses créations.

Dès l’entrée, le visiteur se sent la proie de nombreux regards convergents. Sont-ils hostiles, curieux ou simplement attentifs au nouveau venu ? Comment le savoir ?
Quoi qu’il en soit, on est frappé par les regards et même peut-être plutôt par les yeux : yeux d’êtres humains, yeux de chiens, mais toujours et encore des yeux. Des yeux qui s’emparent de vous pour ne plus vous lâcher, de quelque côté que vous vous tourniez. La priorité donnée au regard est obtenue d’abord par la couleur blafarde du visage. Les yeux sont logés au milieu de surfaces larges et claires : fronts immenses, joues lisses, têtes rappelant celles des poupées de porcelaine, le caractère enfantin de celles-ci mis à part.

Autre procédé dans la recherche de l’étrange : l’œil gauche réduit à la grosseur d’une bille, de sorte que le regard semble scruter et sonder le visiteur. Une minuscule tache blanche y figure un reflet qui s’agrandit quelquefois jusqu’à représenter la croisée lumineuse d’en face. L’œil en reçoit l’éclat qui lui confère la vie.

Le Béotien que je suis a quitté, admiratif, la salle aux murs ocellés croyant avoir assisté à la résurrection du mythe d’Argus, ou plutôt de Panoptès, celui qui voit tout.

 

Marcel Mercier