Charles Vildrac

(1882-1971). La poésie trouve refuge à Valmondois par Marcel Mercier

Le poète Charles Vildrac avait découvert la vallée paisible du Sausseron avant 1914. C’est au retour de la première guerre mondiale qu’il vint loger à Valmondois où son épouse Rose Duhamel s’était momentanément réfugiée pendant le conflit en compagnie de sa belle-sœur Blanche Albane.
Les Vildrac ont occupé durant trois étés, de 1919 à 1921, la maison voisine de la "Maison blanche" où s’étaient installés Blanche et Georges Duhamel. C’est dans les jardins, en juin 1921, que Jacques Copeau et sa troupe du Vieux Colombier fêtèrent la centième du Paquebot Tenacity, pièce de Vildrac qui devait figurer parmi les grands succès dramatiques de la première moitié du XXe siècle.

Charles Messager, qui prendra le pseudonyme de Vildrac, du nom de Wildrake, héros de Walter Scott qu’il admirait, naquit à Paris dans le 5e arrondissement, le 22 novembre 1882.
Son père, Henri Messager avait participé à la Commune en 1871 et avait été déporté en Nouvelle Calédonie. A son retour, il avait épousé Mélanie Descorps, institutrice qui dirigera l’école communale de la rue Keller dans le quartier Saint-Antoine, où Charles commencera ses études et où il passera toute son enfance.

Poésie
Dès l’âge de quinze ans il est séduit par la poésie et, à dix-huit ans, il a déjà publié quelques vers dans de petites revues, tandis que, pour vivre, il trouve une place de secrétaire chez un avocat. En 1901, il fait connaissance avec Georges Duhamel et autour d’eux se constitue bientôt un groupe de poètes et d’artistes très enthousiastes. Ils fondent une revue, "La jeunesse artistique et littéraire", qui n’excédera pas quelques numéros. Vildrac publie en 1902, une étude "Le Verlibrisme", où il se fait le défenseur du vers classique, mais en 1910, il rédigera avec Georges Duhamel des "Notes sur la technique poétique" à la gloire du vers libre. Pendant son service militaire en 1903, il se lie avec le peintre Albert Gleizes qui se joindra à ses amis.
En 1905, Vildrac épouse Rose, la sœur aînée de Georges Duhamel. Toujours débordant d’idées, il imagine un "Pèlerinage d’art en Orient" qui n’aura jamais lieu. Mais un autre projet l’occupe depuis longtemps, le projet de l’Abbaye qu’il parvient à mettre sur pied en 1906.

Après l’échec de l’Abbaye, il ouvre avec sa femme une galerie de tableaux, rue de Seine, qu’il tiendra jusqu’en 1930. Vildrac dessine et peint avec facilité. Doté d’un goût très sûr, il fréquente et choisit pour sa galerie tous les peintres de l’époque qui deviendront célèbres : Friez, Wlaminck, Camoin, Marquet, Luce, Manguin, Gerbaud, Lebasque. Durant cette période, paraît l’essentiel de sa production poétique : "Images et mirages", imprimé à l’Abbaye, "Le Livre d’amour" (1910), "Les Chants du désespéré" (1920), "Prolongements" (1927).

Théâtre
Vildrac avait fait la guerre de 14 d’abord dans l’infanterie, puis dans une section de camouflage.

Au cours d’une convalescence dans le Midi après une blessure, il découvre Saint-Tropez où il achètera une propriété en 1921. Les premières années, il s’y rendra à pied à plusieurs reprises, au début de l’été, musant à travers cette France dont il aime le peuple et les paysages. C’est de cette époque que commence sa carrière théâtrale. En 1920 il écrit "Le Paquebot Tenacity" qui fut monté par Jacques Copeau au Vieux Colombier et qui tint l’affiche trois ans. En 1922 paraît "Michel Auclair". En 1925, création de "Madame Béliard", pièce jouée par Louis Jouvet et Valentine Tessier. En 1927 Georges Pitoëff créé "L’Indigent". En 1930, "La Brouille" est jouée à la Comédie Française. Plus tard sortent : "Le Jardinier de Samos" (1932), "Poucette" (1936), "L’Air du temps" (1938).

Livres pour la jeunesse
Charles Vildrac adorait amuser les enfants. Il y prenait autant de plaisir que les enfants eux-mêmes, aussi écrivit-il plusieurs livres pour la jeunesse qui sont devenus des classiques : "L’Ile rose" (1924), suivit de "La Colonie" (1930), "Les Lunettes du lion" (1932), "Bridinette" (1935), "Amadou le bouquillon" (1951).

En défenseur d’une pensée libre et d’une tolérance humaniste, il fit plusieurs voyages à l’étranger : au Japon en 1927, en U.R.S.S. en 1928 et en 1935, en Espagne en 1934. Pendant la dernière guerre il participa en 1942 à la publication clandestine des "Lettres Françaises". il fut arrêté par la Gestapo et emprisonné à Fresnes en 1943, puis relâché. Après guerre, il publie encore : "Lazare" (1946),  "D’après l’écho" (1949), "Pages de journal" (1968). Il reçoit en 1963 le Grand Prix de Littérature de l’Académie Française.

En 1960 il signe la "Déclaration sur le droit à l’insoumission dans la guerre d’Algérie", dit "Manifeste des 121". Après la mort de sa femme, il épouse en 1970 Suzanne Rochat, la traductrice en italien de ses œuvres.