-
menu bouton
Menu principal
-
Le village
- Visiter Valmondois
- Histoire du village
- Personnalités
- Photothèque
- Moulin de la Naze - Maison de la Meunerie
- Villa Daumier
- Jardins
- Inventaire participatif de la Biodiversité
- Le potager communautaire
- Cartes et randonnées
- Patrimoine historique
- Ouverture au monde
- Services et démarches
- Culture et loisirs
- Webzine
-
Le village
Eau, roues et farine : la Maison de la Meunerie par Marcel Mercier
Les aménagements nécessaires ayant été réalisés, le Moulin de La Naze devenu Maison de la meunerie, a ouvert ses portes au public le 9 octobre 2004. L'inauguration a attiré à Valmondois une grande affluence de visiteurs, preuve de l'intérêt du public pour la meunerie d'autrefois...
Il faut avoir vécu la deuxième guerre mondiale et ses privations alimentaires pour savoir à quel point quelques poignées de blé étaient les bienvenues, car elles étaient, dans l’obsession permanente de manger, la promesse d’une petite amélioration de la pitance journalière. Mais il fallait d’abord moudre le grain. Cela se faisait avec un moulin à café. Oh ! Pas un moulin électrique. Non ! Avec un moulin à café muni d’une manivelle tournée à la main. Or, c’était dur et le moulin maintenu entre les genoux, finissait par vous pincer la peau des cuisses. Et puis le grain écrasé encrassait le mécanisme. Le résultat tenait plus de la purée grossière que de la belle farine. Cette petite corvée nous laissait le loisir de réfléchir à l’utilité des moulins, des vrais, des grands, tandis que nous tournions la manivelle. Nos lointains ancêtres, mus par l’aiguillon du besoin, avaient dû beaucoup penser au moyen d’obtenir de la farine facilement et en grande quantité.
On peut supposer qu’ils se servirent de pierres entre lesquelles ils mettaient le grain. On peut supposer aussi qu’ils en vinrent rapidement à deux pierres lourdes et plates superposées dont ils tournaient celle du dessus. Un pas de plus et l’on relia les deux par un axe vertical. Dès lors la pierre mobile n’avait plus qu’à être mise en mouvement par la force humaine ou animale. Tel dut être le processus approximatif pour en arriver aux moulins actuels. Les progrès ultérieurs consistèrent à mettre en œuvre des forces mécaniques (vent et eau) et à transmettre aux meules la rotation des ailes ou de la roue à aubes.
La visite de la Maison de la meunerie commence dès l’extérieur puisqu’il s’y trouve la force motrice de l’ex-moulin, le Sausseron, qui vient de Nesles-La-Vallée et même d’un peu plus loin en amont. La rivière arrive en serpentant à travers prés, bois et propriétés. Elle allait connaître autrefois ses premiers avatars à Valmondois. Pourtant plein de bonne volonté le Sausseron consentait à servir d’abreuvoir ; il daignait offrir ses truites aux pêcheurs ; il ne lui déplaisait pas d’accepter les promeneurs sur ses rives ombragées. Qui sait, d’ailleurs, si l’un de ces promeneurs d’antan ne fut pas notre malicieux La Fontaine ? Peut-être a-t-il composé là ces vers charmants aux allitérations suggestives :
« Écouter en rêvant le bruit d’une fontaine
Ou celui d’un ruisseau coulant sur les cailloux,
Tout cela, je l’avoue, a des charmes bien doux »
Tout guilleret et sans méfiance, le Sausseron abordait le grand moulin. Ici, les hommes l’attendaient, eux et leur malice ; ils le guettaient pour le domestiquer et commençaient par dédoubler son cours ; ils en détournaient une partie et rétrécissaient l’autre en la contraignant à suivre une étroite rigole rectiligne où elle prenait de la vitesse ; ils poussaient l’audace jusqu’à faire sa toilette avec deux grilles successives qui le débarrassaient de ses copains les branchages ; puis, suprême félonie, ils le précipitaient par surprise dans une fosse où régnait une monstrueuse roue d’au moins cinq mètres de diamètre qui tournait dans un fracas assourdissant ; le Sausseron malmené s’engouffrait dans les aubes ; encore tout ébahi de son aventure, enfin libre, il reprenait ses divagations indolentes avant d’arriver à l’Oise où il perdait son identité.
Tandis que le Sausseron vagabondait, la roue à aubes, massive, poursuivait sa course circulaire, entraînant un arbre d’acier lui-même fixé à une roue dentée, premier élément d’une série d’engrenages droits ou coniques. Un volant de cinq ou six mètres de diamètre solidaire des roues dentées emmagasinait en tournant une énorme énergie qui amortissait les à-coups éventuels du courant. Le terme ultime de ces rotations successives était de mettre les meules en mouvement pour moudre le grain.
Une incursion dans les entrailles du moulin montre très clairement tout cela. On y voit, après rouages, engrenages, arbres et volants, une maquette de moulin en action : les grains contenus dans les sacs tombent dans une trémie et de là entre les meules (rainurées sur les surfaces en quasi-contact). Ils en sortent sous la forme d’une farine encore grossière car contenant du son. Pour séparer les deux, cette première mouture passe par un tamis consistant en un cylindre de toile incliné, agité d’une vibration permanente qui accélère l’écoulement de la farine brute et son tamisage : la farine est filtrée par le tissu tandis que le son poursuit sa chute vers un récipient.
Un commentaire oral accompagne la visite. Il se termine par un rappel d’un autre rôle du moulin autrefois à la campagne. Lui aussi a contribué à la formation du langage en fournissant des expressions imagées tirées de la vie de tous les jours. Par exemple, l’usage du moulin étant banal, c’est-à-dire autorisé à tous après paiement de la taxe au seigneur propriétaire, on y accédait librement. D’où l’expression « entrer comme dans un moulin » appliquée aux personnes sans gêne qui entrent dans un lieu sans avoir frappé auparavant.
Des illustrations qu’on dirait extraites des planches de l’Encyclopédie de Diderot ornent les murs. On peut y voir aussi des agrandissements de cartes postales représentant l’ex-moulin de La Naze et l’actuel moulin de Chars. Gustave Doré, illustrateur de La Fontaine, est présent par le dessin qu’il a consacré à la fable « Le meunier, son fils et l’âne ».
La visite ne peut se terminer sans qu’on ait évoqué cette fameuse fable puisque, dit-on, c’est ce moulin qui en aurait fourni l’inspiration à La Fontaine. On connaît l’histoire : un meunier possède un âne, sans doute pour transporter ses sacs de farine. Il a aussi un fils. Cela se voit tous les jours. Or il veut vendre la bête. Il la conduit donc à la foire. Afin de ménager le baudet et d’en tirer le meilleur parti, il le charge sur ses épaules, ce qui provoque l’hilarité des passants. Il pose alors l’animal à terre et lui fait porter l’enfant. Mais on rit maintenant de ce vieux qui marche tandis que son fils se fait porter. Le meunier prend donc la place du jeune mais cela ne calme toujours pas les rieurs. Il prend son fils en croupe. On plaint le pauvre âne surchargé. Que fait le meunier ? Il va à pied de même que son fils. La critique ne se tait pas pour autant mais cette fois le meunier n’en a cure. Il n’en fera plus qu’à sa tête, quoi qu’on dise. Sage résolution !
Voilà une histoire qui ne peut avoir eu lieu qu’à Valmondois! Des critiques littéraires, et La Fontaine lui-même, prétendraient que la source de cette fable se trouve dans « Mémoires de la vie de Malherbe », de Racan. Tatatata ! La fable est bel et bien née à Valmondois. La preuve ? Eh bien Valmondois possède un moulin ! « Qui sait si nos rêves ne sont pas plus vrais que la réalité » (Ernest Renan).