"Mailles, boucles et entrelacs" par Marcel Mercier

Exposition à la Villa Daumier le 25 avril 2004

On raconte qu’il y avait dans la Grèce antique une jeune fille nommée Arachné, si habile dans l’art du tissage qu’elle s’attira la jalousie de la déesse Athéna. Au cours d’un défi, Arachné se montra l’égale de la déesse qui, de dépit, détruisit l’œuvre de sa rivale et transforma celle-ci en araignée.

Or voilà qu’Arachné est réapparue à Valmondois dans une exposition le 3 avril 2004 ! De plus, des amateurs d’art affirment l’avoir rencontrée dans la ville de Troyes (1). Il faut donc en finir avec le mythe d’Arachné condamnée par Athéna à tisser des toiles destinées à la capture des insectes.

Les œuvres exposées à la Villa Daumier sont d’ailleurs dignes de l’antique Arachné. Elles sont réalisées avec du fil comme matériel : fil blanc ou fil multicolore. Les mailles sont serrées et nombreuses comme les nervures d’une feuille. Le tout est aérien, subtil, fragile. Cela représente le plus souvent de petites maisons qui défient les lois de la pesanteur : les fils se dressent verticalement sans support.

Arachné la contemporaine sait aussi tricoter et faire du crochet. Ses modernes ouvrages ornent les murs intérieurs de la Villa : masques africains, petits personnages dont les têtes émergent d’une foule bigarrée, etc. On admire un sens raffiné dans l’harmonie des couleurs et beaucoup d’inventivité dans le choix des titres : « Né longtemps après la venue de la comète », « Mangeur sans lunettes rouges » etc.

Au milieu de ces structures aériennes, sont exposées les œuvres d’un autre artiste et d’un genre totalement différent : des objets étranges fabriqués en contreplaqué, contreplaqué plié, tordu comme si c’était du carton. La création la plus étonnante, celle dans laquelle on soupçonne un sens caché ayant un rapport secret avec la personnalité de l’auteur, consiste en un tube à section carrée, replié plusieurs fois sur lui-même. On n’y trouve ni commencement ni fin. C’est une espèce de nœud dont on n’aperçoit pas les bouts ou encore un énorme serpent qui se mord la queue. L’artiste y manifeste une maîtrise parfaite dans l’art de travailler le bois et une capacité certaine à se mouvoir dans l’inexprimable.

Les deux expositions – si différentes par ailleurs – présentent au moins un point commun : toutes deux montrent l’être humain aux prises avec la matière et triomphant d’elle, de sa pesanteur, de sa résistance.
                                                                                      

(1) une exposition des œuvres de Marie-Rose et Jacques Lortet a eu lieu à Troyes.