Georges Duhamel à la Naze

On croisait quelquefois dans le village un homme allant à pied, la tête toujours baissée. Ce qui frappait chez lui, c’était un gros crâne chauve très rond. Il portait des lunettes. Quand il levait les yeux, on rencontrait un regard intense où planait un léger sourire. La bouche était petite, le visage plein de finesse. Sur son passage, nous, les enfants, nous entendions les adultes dire avec mystère : « C’est Georges Duhamel ! ». Cela nous remplissait d’un respect quasi religieux.

A Pâques, les cloches étant censées avoir émigré à Rome, les enfants de chœur, une crécelle à la main, parcouraient le village en annonçant de place en place l’heure des offices religieux : « C’est l’angélus qui sonne, la messe est à neuf heures ! ».
Nous parcourions ainsi tout Valmondois et, même, nous entrions chez Georges Duhamel. Puis nous nous arrêtions et nous chantions : « J’ai un p’tit coq dans mon-on panier, si vous voulez l’entendre chanter  ».
Je me souviens de son expression la première fois que nous chantâmes ainsi en sa présence. Il nous fit recommencer, l’air pensif, puis il nous donna un peu d’argent. J’eus plus tard l’explication de cet intérêt. La chansonnette des enfants de chœur était un vieil air du folklore français. Georges Duhamel l’avait reconnu et s’en était amusé.

Quand M. et Mme Hoffmann quittèrent Valmondois, au cours de l’été 1933, une petite cérémonie d’adieux fut organisée. Les écoliers y assistaient. Georges Duhamel était présent. Il prononça une allocution et offrit à nos instituteurs un petit tableau, une aquarelle, je crois, représentant les Friches.

Marcel Mercier