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Le village
Critique du XXXIème Salon de Peinture par Marcel Mercier
Exposition dans la salle des fêtes du foyer les 4 et 5 mars 2006
La commune de Valmondois a organisé les 4 et 5 Mars 2006 son XXXIème salon de peinture . Neuf peintres amateurs et, innovation, une céramiste ont exposé leurs œuvres dans la salle des fêtes du Foyer Honoré Daumier.
Impressions d’un visiteur
Dès l’entrée, le regard s’arrête sur trois tableaux, œuvres de Marijo, petits par leurs dimensions mais importants par leur signification. Tous trois représentent des oiseaux tristes , impuissants devant de ce qui leur arrive : des cigognes flapies essayant de regagner leur Alsace natale ; des flamants transis, toutes plumes hérissées ; des manchots assistant à la fonte de leur banquise.
Coïncidence avec les catastrophes qui frappent les oiseaux : grippe aviaire et destruction de leur habitat ? Dommage que l’artiste n’ait pas développé ce thème qui l’inspire et qu’elle peint avec talent !
Ensuite ce sont des aquarelles de Pierre Cloarec consacrées à l’Afrique noire. L’artiste y évoque sobrement quelques aspects de ce continent. Et tout d’abord sa démesure avec de gigantesques baobabs. Puis des caractéristiques de son économie : sa misère causée par la spoliation de ses richesses et symbolisée par une cabane solitaire et visiblement abandonnée ; tandis que, par ailleurs, l’Afrique tente de se moderniser ; c’est ce que veut dire, semble t-il, une petite éolienne.
Puis c’est un dessin à la plume, fort réussi, œuvre de Bernard Dussard, montrant la Basilique du Sacré Cœur de Montmartre. On regrette que l’auteur n’ait exposé que trois dessins sur feuilles de bambou. Cette note exotique méritait d’être développée. On peut admirer aussi une très petite aquarelle qui représente l’Ile aux Moines. Mais pourquoi est-elle la seule ! On n’a là qu’un trop maigre aperçu des talents de l’auteur.
Au détour d’un panneau, on se trouve en présence d’une côte sauvage vue par Christian Hervé. La mer déferle sur une anse désolée, cette mer infatigable si bien décrite par Jean-Marie Guyau. On n’aperçoit ni un être vivant ni même un bateau. Contrastant avec cette grandiose solitude, voici le port de Collioure. Sur un arrière plan de maisons méditerranéennes, une forêt de mâts est secouée sans fin ni trêve par la mer, tandis qu’on croit deviner les plaisanciers se reposant à l’abri de la lumière et de la chaleur. Un tableau qui fait rêver aux vacances.
Non loin de là, ce sont les œuvres de Muriel Bertrand. Il s’agit d’abord d’une grande toile ( Invasion ) qui interpelle le visiteur et le tire par la manche au passage. En son centre, un panneau de signalisation routière alerte sur l’imminence d’un danger. Un examen attentif révèle des lézards de grosseurs diverses. Certains semblent s’enfuir à la queue leu leu en suivant un itinéraire fléché qui les conduit le long du bord du tableau d’où ils finissent par s’échapper. Les autres s’agitent dans une sorte de tas de gravats. Etrange ! Comme si l’auteur avait voulu donner corps à un cauchemar.
Plus inquiétant : les deux morceaux d’une femme enceinte coupée en deux à la taille.
Les deux moitiés semblent se mouvoir à la poursuite l’une de l’autre suivant une diagonale du tableau. On cherche- sans la trouver- la mystérieuse symbolique qui a inspiré et conduit l’auteur dans la réalisation de ce tableau.
Autre œuvre qui déconcerte et soulève des questions sans réponse : Tout ce que je rêve de t’offrir, dont les points de suspension laissent sur son interrogation le visiteur désireux de comprendre. Cette curiosité est attisée par une citation écrite en caractères minuscules : Tout ce que vous avez sera donné un jour. Donnez donc maintenant, afin que la saison de donner soit vôtre et non celle de vos héritiers. Citation du Coran ? « Non ! du Prophète » corrige l’auteur du tableau.
Un texte écrit en langue arabe- aux lettres si décoratives !-apparaît dans un autre tableau : Eclat, qui représente une fleur éclatée. Tiens ! pourquoi éclatée ?
Une bizarre impression se dégage de ces œuvres ; peut être l’auteur y a-t-elle mis quelque chose d’elle-même, quelque chose de très intime qu’elle refuse de révéler et dont elle souhaite pourtant se délivrer par une sorte d’autoexorcisme.
Cette artiste, a obtenu le Prix du public.
Et voici les toiles de Micheline Gropman primées par le village :
Il s’agit de plusieurs tableaux, tous intitulés : Paysage et qui ont en commun une sorte d’obsession du désert : un désert de sable mais aussi le désert liquide c'est-à-dire la mer. Aucun être vivant, ni végétal ni animal! du sable à perte de vue ou de l’eau à perte de vue, jusqu’à l’horizon où ils rencontrent le ciel. Le monde fini s’arrête là et laisse place au ciel, dont on ne conçoit pas qu’il s’arrête quelque part. C’est l’infini ! Il y a là une sorte d’angoisse métaphysique, celle de Pascal « Le silence éternel de ces espaces infinis m’effraie » mais on peut rêver au scepticisme souriant de Renan : « Le mot de l’énigme qui nous tourmente et nous charme ne nous sera jamais livré Qu’importe, après tout, puisque le coin imperceptible de la réalité que nous entrevoyons est plein de ravissantes harmonies »
Sylvie Lavigne expose notamment deux femmes très différentes. D’abord une jeune et séduisante Africaine n’ayant pour tout vêtement que ses bijoux. Sa pose est pudique. En la voyant, quelque chose chante dans la mémoire. Ah oui ! Baudelaire « La très chère était nue Elle n’avait gardé que ses bijoux sonores », Baudelaire dans une pièce des Fleurs du mal (Les bijoux) condamnée autrefois, Baudelaire qui, justement, avait une mulâtresse pour maîtresse.
L’autre femme est appelée «Femme fatale». Celle-ci n’est pas nue. Elle est en train de se dévêtir, ce qui est plus sensuel : des voiles tombent de ses épaules sur ses reins. Encore un souvenir de Baudelaire mort syphilitique, Baudelaire à qui donc une femme fut fatale.
L’exposition présente quelques tableaux nettement différents des autres. Ils sont l’œuvre d’une artiste iranienne, Shahla Rohani , bien connue à Téhéran. Son art surprend et charme tout à la fois. Il est difficile à définir. Il semble que l’artiste veuille suggérer plutôt que reproduire servilement. L’illustration de cette conception est fournie par son « Paysage ». Les contours sont incertains et pourtant suggestifs. «L’olivier» est désordonné et chargé. Il en résulte une impression de luxuriance végétale : abondance de feuilles entre lesquelles se montrent des olives. On s’attarde à regarder et on est conquis et charmé par le résultat de cette technique, dont une autre application est «le Feu». Les flammes sont nombreuses et serrées ; toutes sont orientées dans la même direction, comme attisées par un vent violent.
Les «Bouleaux» ne nécessitent aucune interprétation ; ils sont immédiatement reconnaissables avec leurs fûts bien droits et leur écorce argentée.
Finalement, si on se demande, paraphrasant Montesquieu : « Comment peut- on être Persan et peintre ? » Eh bien !on le sait maintenant.
L’oeuvre de Shahla Rohani a reçu le prix de l’OTOS .
Cette année encore l’exposition a un invité ou plutôt une invitée d’honneur : Elvire Bianchi. La place mise à sa disposition à ce titre lui offre la possibilité d’exposer une quarantaine de tableaux, c'est-à-dire de déployer tout son talent dans une série éclectique d’œuvres.
Cette partie de l’exposition s’ouvre sur des personnages du Carnaval de Venise. Les masques blancs et inexpressifs assuraient l’anonymat des Vénitiens au cours de leurs frasques.
L’artiste a réservé une grande place aux fleurs, dont des iris dressés et comme turgescents et presque voluptueux.
Des paysages d’ici et d’ailleurs : une mer d’huile sur laquelle flottent trois barques immobiles, mais aussi une mer furieuse qui se jette à l’assaut d’un phare ; un paysage chinois fort bien rendu ; une cascade qui dévale du haut d’une montagne et rebondit de rochers en rochers ; un paysage de nuit où un arbre habilement décalé vers la gauche laisse place au ciel éclairé par Séléné ; un oiseau qui, ailes déployées, amorce son atterrissage, découvrant au dessus de lui l’espace immense qu’il vient de quitter. Les natures mortes sont présentes aussi avec des vases, des flacons, des éventails etc.
L’être humain ne pouvait pas être absent d’une palette aussi riche : une Tahitienne se drape dans un sari multicolore. Un étrange tableau intitulé «Attente» représente le bord de la mer avec des silhouettes noires, peut être des épouses attendant le retour incertain des marins. Au premier plan, une créature diaphane, sorte d’ectoplasme ou de sylphide aux vêtements immatériels, qui semble effleurer le sol d’un pied léger. Symbole d’espoir de retour ou présage de malheur devant l’attente angoissée des matelotes ?
Cette année, l’exposition présente aussi des céramiques posées sur des socles ici et là parmi les œuvres peintes. On remarque notamment une belle jarre aux reflets bleus qui se marie harmonieusement avec les toiles. L’auteur est une jeune Coréenne, Madame Coquio.
Un bien bel ensemble !
Marcel Mercier