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Valmondois goûte le bien-vivre grâce à une conviviale lenteur

A 30 km de Paris, dans le Val d’Oise, la commune de Valmondois et ses 1200 habitants se sont lancés dans l’aventure Cittaslow. Ce mouvement international vise à ralentir le rythme de vie urbain pour atteindre au bien-vivre. La recette pour réussir ? La convivialité.

Article de Lorène Lavocat pour le magazine "Reporterre" du 24 avril 2014

« Vous allez voir, au printemps, avec les fleurs, le village vit son heure de gloire », m’annonce Sylvie Floris. La conseillère municipale débarque à la gare de Valmondois sur sa bicyclette. Elle m’entraine dans les ruelles du village, de l’ancien moulin transformé en atelier de verrier à une vieille ferme en cours d’acquisition par la Mairie, pour y construire une crèche et des logements. Chaque maison déploie ses charmes, se parfumant d’authenticité, et les jardins rivalisent de couleurs. Un poème de Charles Baudelaire me vient en tête, L’invitation au voyage. Luxe, calme et volupté.

A première vue, Valmondois semble un havre de paix préservé de la folie immobilière de la capitale. Suspendu dans le temps. Et pourtant, depuis un peu plus d’un an, le village avance dans une nouvelle voie : celle des cités du bien vivre, les Cittaslow.

« Le mouvement Cittaslow cherche à concilier modernité et humanité, explique Sylvie Floris. Préserver le patrimoine et la nature, mais sans rester figé dans le passé. Nous ne voulons pas transformer notre village en musée ».

Le réseau Cittaslow est né à la fin des années 1990 en Italie. Version urbanistique du mouvement Slow food. Même emblème, l’escargot, et même philosophie : ralentir notre rythme de vie, prendre le temps de vivre ensemble. Il s’inspire notamment du concept de « bien vivre », qui promeut une harmonie entre les êtres humains et la nature.

 

- Près de 170 villes, dont huit en France, ont rejoint le réseau Cittaslow -

En dix ans, le mouvement essaime sur toute la planète. Près de 170 villes adhèrent aujourd’hui à la charte du réseau international des cités du bien vivre, dont une petite dizaine en France. Une charte en 70 points, recommandant entre autres la création de zones piétonnières et de places publiques, le développement des systèmes d’échanges locaux, le maintien du patrimoine et des commerces de proximité.

Mais pour Sylvie Floris, qui a initié le projet à Valmondois, l’essentiel est ailleurs : « Ce qui m’a séduit, c’est l’idée de travailler autrement, avec les habitants ».

L’humain au cœur du projet

Pour la conseillère municipale, le projet se résume à un mot : convivialité. Comme pour appuyer son propos, elle m’emmène au Café des filles. Ouvert l’an dernier, le petit bar restaurant, tenu par deux sœurs énergiques, fait salle comble chaque vendredi soir. Le village compte, pour 1260 habitants, deux cafés, un restaurant, et une épicerie. Autant de lieux où les habitants peuvent se rencontrer.

Mais « renforcer le faire ensemble » ne se limite pas au développement de commerces et de bars. « Cittaslow propose un autre mode de fonctionnement, fondé sur la démocratie participative, explique Sylvie Floris. L’humain, le citoyen, est au cœur du projet. »

Cet autre mode de fonctionnement débute au sein du conseil municipal. « On travaille en équipe, toujours par binôme sur les dossiers, et on communique beaucoup entre nous ». Surtout, il s’agit d’associer les citoyens au projet de la commune.

« La concertation passe par les associations. Nous en avons 24, pour 1200 habitants, c’est beaucoup ». La concertation passe aussi par des projets collectifs, comme un potager communautaire et des manifestations intergénérationnelles. « Les citoyens sont mobilisés et sollicités en permanence, certains n’en ont pas envie, remarque Sylvie Floris. C’est très contraignant. Et tout ça prend du temps, parce que c’est du dialogue ».

Un paradis en tension

Le principal défi demeure la pression foncière. Un village dans le parc régional du Vexin, à 45 minutes en RER de la capitale a de quoi attiser la convoitise des promoteurs immobiliers. « Nous devons batailler pour préserver notre cadre de vie », précise Sylvie Floris. Ce combat transparait dans un chiffre : le conseil municipal ne veut pas plus de 2,5% d’augmentation de la population par an.

 

Le risque, c’est de voir Valmondois transformé en village « bobo », pour des Franciliens fortunés. L’élue rejette cette critique : « on essaye d’accueillir des familles, des jeunes qui ne sont pas forcément argentés ». La Mairie veut ainsi construire du logement locatif.

Combien de temps pourra durer cette résistance ? « Les gens qui viennent ici disent souvent que c’est le paradis, témoigne Sylvie Floris. Moi je dis, c’est un équilibre précaire, en tension ». La commune reste relativement protégée car elle appartient au parc du Vexin. Mais le label Cittaslow n’est pas reconnu en France, il ne donne aucun avantage ni aucun droit aux villes adhérentes.

Il permet en revanche la mise en réseau avec d’autres communes, le partage d’expériences et de savoir-faire. Le mouvement est ouvert aux villes de moins de 50 000 habitants. « Ce serait difficile à mettre en place dans les grandes villes, explique la conseillère municipale. Je pense qu’il faudrait que ça se fasse quartier par quartier. La part de l’humain est très importante, il faut beaucoup de dialogue, de concertation ».

En attendant que le mouvement gagne la capitale, la philosophie des cités du bien vivre semble interroger les communes voisines. Car les habitants approuvent de plus en plus le projet de la municipalité. Lentement mais sûrement, Cittaslow fait son chemin.