Descartes et le masque
Les comédiens, appelés sur la scène, pour ne pas laisser voir la rougeur sur leur front, mettent un masque [persona]. Comme eux, au moment de monter sur ce théâtre du monde où, jusqu’ici, je n’ai été que spectateur, je m’avance masqué [larvatusprodeo, en latin dans le texte].
Descartes, 1619.
Lorsqu' il rédige cette phrase un peu grandiloquente en 1619 (alors qu’il n’a que 23 ans), Descartes est loin d’imaginer que le masque deviendra quatre siècles plus tard l’instrument indispensable grâce auquel l’humanité espère survivre en attendant que la vaccination lui permette de revivre. Le masque n’est alors qu’un instrument de dissimulation derrière lequel on joue un autre rôle ou un autre personnage que soi-même.
En ce qui le concerne, Descartes souhaite avancer « masqué » non pour paraître quelqu’un d’autre ou pour faire preuve d’hypocrisie mais parce qu’il a l’ambition de changer radicalement les sciences et la philosophie de son temps : cette révolution scientifique, Galilée l’a déjà entreprise mais il a pu mesurer à ses dépens à quel point le risque est grand face à l’autorité écclésiastique. Descartes est prévenu : il avancera masqué mais cette dissimulation de ses sentiments n’entamera en rien sa détermination philosophique et scientifique. Leçon de sagesse et de prudence : il faut savoir supporter le masque et attendre ainsi de meilleurs jours.